- SODISOLS ET SALSODISOLS
- SODISOLS ET SALSODISOLSSur la planète, d’immenses superficies de sols sont affectées par les sels: de 500 à 800 millions d’hectares selon les estimations. Ils sont, selon le degré de salure, soit nus, soit occupés par une végétation d’espèces adaptées dites halophytes: ce sont des salsodisols ou sols salsodiques, appelés auparavant (1967) sols halomorphes. Génétiquement, ils sont constitués par deux unités très différentes: les salisols , dans lesquels les sels de sodium, de calcium ou de magnésium, sont sous la forme soluble de sels simples ou complexes; les sodisols , à complexe sodique, dans lesquels les cations, essentiellement le sodium, sont sous la forme échangeable, les sels solubles étant très peu abondants.Les sols salsodiques se différencient naturellement sous les climats plus ou moins arides, mais aussi tempérés, maritimes ou continentaux, là où l’évaporation excède les précipitations pluviales de façon permanente ou temporaire. Par ailleurs, de nombreuses zones où l’homme a développé ses activités hydro-agricoles – plaines, terrasses alluviales, dépressions endoréiques, oasis – sont affectées par une salinité secondaire induite par l’irrigation. Ces pratiques nécessitent en effet une bonne maîtrise de l’eau et des sels afin d’éviter la dégradation des sols dont la récupération est généralement coûteuse, précaire et rarement satisfaisante.Répartition géographiqueLes sols salsodiques couvrent une partie considérable du territoire australien. Ils sont largement représentés dans les régions continentales de l’ex-U.R.S.S., en bordure de la mer Caspienne et en Europe centrale, où ils ont envahi de nombreuses terrasses et dépressions alluviales comme la plaine hongroise. En Asie, ces sols sont distribués dans les parties nord et ouest de Chine, où des eaux salées s’accumulent faute de drainage. En Inde et en Iran, plus de 2 millions d’hectares de sols sont contaminés; ils occupent d’importantes superficies en Indonésie, au Pakistan, et en Irak dans une grande partie de la Mésopotamie. Le fossé est africain, la vallée du Nil, la dépression du lac Tchad, les régions arides d’Afrique du Sud présentent de vastes étendues de sols touchées par la salure en général, ainsi que, de façon plus ponctuelle, les plaines, sebkhas et oasis méditerranéennes. En Amérique du Nord, depuis les grandes plaines canadiennes, le nord des États-Unis, où les sols noirs de prairie sont interrompus par des dépressions salées, la vallée du Colorado, l’Arizona et jusqu’aux lagunas nord mexicaines, les salsodisols occupent près de 20 000 kilomètres carrés. En Amérique du Sud, le Nordeste brésilien, la pampa argentine et les vieilles plaines du Paraguay sont en partie occupés par des sodisols; en altitude, les salares de la cordillère des Andes, par des salisols. En Europe occidentale, les manifestations salines sont plus limitées, et ce sont surtout les plaines littorales du Sud qui sont en partie touchées: plaines du Pô, Camargue, Èbre, Guadalquivir. Les appellations de ces sols varient selon les pays (chotts , sebkhas , lagunas , playas , salares , enganes , sansouires , etc.).Végétation naturelleLa richesse en sels solubles ou les mauvaises qualités physiques des sols salsodiques conduisent à une spécialisation de la végétation, et même à sa disparition totale lorsque, dans la solution du sol, la pression osmotique ou la toxicité spécifique de certains ions devient trop élevée. Les plantes résistantes appartiennent à un nombre limité d’espèces et occupent assez peu le sol. Le paysage qui en résulte est tout à fait typique. Les halophytes les plus caractéristiques sont les salsolacées (Arthrocnemum , Salicornia , Suaeda , Salsola , Atriplex , Obione ) formant les enganes de Camargue par exemple, à côté de zones encore plus salées, les sansouires , sans végétation. Les plombaginées, les plantaginées, les composées et les graminées fournissent bon nombre d’espèces moins résistantes, qui sont souvent qualifiées de préhalophytes.Les salisolsLes salisols, sols salins ou saliques (solontchaks des auteurs soviétiques), possèdent un horizon dont la conductivité de l’extrait de pâte saturée est supérieure à 15 ou 8 décisiemens par mètre à 25 0C, selon la nature anionique des sels présents (chlorurés, sulfatés, ou bien carbonatés, respectivement). Ils se forment souvent à partir d’une nappe phréatique salée et peu profonde, d’origine naturelle ou anthropique. Le climat, la topographie et la texture des sols influencent le sens, la vitesse et l’intensité des redistributions salines dans les profils et dans les toposéquences selon les solubilités respectives des différents sels. Les saisons chaudes et sèches favorisent l’ascension capillaire des sels à la surface des sols, où ils se concentrent sous l’effet de l’évaporation et s’y expriment en efflorescences, poudres ocres ou brunes, croûtes du «salant blanc». En zone continentale, la concentration de carbonate de sodium (Na2C3) et le pH élevé qui en résulte provoquent une dissolution de la matière organique des sols, différenciant des taches superficielles de «salant noir».Les sels, par définition plus solubles que le gypse, peuvent avoir diverses origines: marine actuelle ou ancienne, dans les plaines littorales, les estuaires ou à l’intérieur des terres sous l’effet d’embruns; pétrographique quand ils sont concentrés dans certains matériaux et parfois exploités comme mines de sels; volcanique ou hydrothermale; hydrogéologique quand l’eau des aquifères est contaminée. Dans les mangroves tropicales, qui souffrent d’un déficit pluviométrique, chlorure de sodium (NaCl) est associé à des sulfates mixtes comme les aluns, sels caractéristiques des «sols sulfatés acides», et formés par oxydation du soufre présent dans ces formations à palétuviers.La salinisation des sols due aux activités humaines est induite par certains aménagements ou de mauvaises pratiques agricoles (utilisation d’eaux d’irrigation, de drainage, d’engrais, création de barrages, implantations de serres, épandages d’effluents agricoles ou urbains, etc.).Les sodisolsCes sols à complexe sodique sont aussi dénommés sols sodiques , ou sols alcalisés. Une partie des charges électronégatives du complexe adsorbant des sols est occupée par le sodium échangeable. Celui-ci provient d’eaux alcalines ou de l’altération de roches sodiques (certains granites). Lorsque l’ion sodium (Na+) occupe plus de 15 p. 100 de la capacité d’échange cationique du sol, l’argile devient sodique. Elle s’hydrolyse et déflocule sous l’effet de l’eau douce (pluie ou irrigation), élevant le pH (face=F0019 礪 8,7). Les caractéristiques physiques des sols se dégradent: très compacts et à faible microporosité à l’état sec, ils sont totalement dispersés et à structure continue et fluente à l’état humide. Les sels solubles, qui maintiendraient un état floculé, sont ici absents. Ce sont des sodisols sodiques ou indifférenciés , caractéristiques des climats arides et semi-arides. La teneur en sodium, qui provoque cette dégradation, varie selon le type d’argile et son environnement cationique; la présence de calcaire, en particulier, freine cette évolution. Le magnésium, en milieu pauvre en calcium, joue un rôle analogue à celui du sodium.Sous des conditions climatiques plus humides, une certaine désaturation du complexe échangeable intervient, ainsi qu’un lessivage d’argile, différenciant un horizon éluvial éclairci, parfois discontinu; son pH s’abaisse, devenant proche de la neutralité. Il lui succède en profondeur un horizon d’accumulation à structure prismatique ou en colonnettes dont la porosité intra-agrégats est très faible; il s’est enrichi en argile et en sodium échangeable; son pH est élevé (pH 礪 9, parfois). Ce sont des sodisols lessivés ou solonetz.Les termes ultimes de cette séquence évolutive résultant de conditions encore plus humides sont les sodisols dégradés, ou solods. Leur horizon supérieur a subi une désaturation complète de son complexe adsorbant, qui se traduit par une acidification poussée (pH 麗 5, parfois). L’action conjointe de cette acidité et des phénomènes de réduction dus à un mauvais drainage interne déclenche une acidolyse qui dégrade les argiles elles-mêmes. Cet horizon, devenu squelettique du fait de la persistance d’une trame siliceuse, apparaît cendreux et blanchi. L’horizon inférieur, enrichi en argile et en sodium, est au contraire extrêmement compact, peu poreux et nettement structuré en colonnettes; son pH est élevé (9 諒 pH 諒 10).Utilisation et mise en valeurLa mise en valeur de ces sols est délicate. Les méthodes diffèrent selon le type de salure identifié: salinité ou alcalinité; un bon diagnostic s’avère indispensable avant toute intervention.En régime pluvial, la quantité et la répartition des précipitations annuelles sont déterminantes selon qu’elles permettent ou non un dessalement saisonnier des sols salins. Sous climats tempérés et méditerranéens, à pluies hivernales, l’introduction d’arbres forestiers résistants, d’arbustes fourragers (Atriplex ) ou de pâturages tolérants, ainsi que de certaines céréalicultures (orge, blé), est réalisable. Dans les régions tropicales suffisamment humides, les pluies de saison chaude permettent la culture de riz ou de coton.Sous les climats plus secs, l’irrigation constitue la seule possibilité de mise en valeur de ces sols; elle solubilise et entraîne les sels, abaisse la pression osmotique de la solution du sol et assure une bonne alimentation hydrique des plantes. Il est vivement recommandé de mettre en place un système de drainage qui permette le maintien de la nappe phréatique à une certaine profondeur et l’évacuation des eaux de drainage hors des périmètres. L’utilisation d’eaux saumâtres à l’origine ou le réemploi d’eaux déjà utilisées sont même possibles, à condition d’éviter le réflexe fréquent de moins arroser, mais au contraire d’ajouter une quantité d’eau supérieure aux besoins des cultures, dite fraction de lessivage. En région méditerranéenne, la riziculture irriguée donne de bons résultats sur sols salés; elle assure un lessivage d’été dont les effets s’ajoutent à ceux des pluies d’hiver. Parmi les plantes cultivées, certaines cultures maraîchères sont sensibles, par exemple les radis, les fraisiers et surtout les haricots verts. La plupart des arbres fruitiers tant à pépins qu’à noyaux, excepté le palmier dattier, et surtout les agrumes, sont très peu tolérants.En ce qui concerne les sodisols, leur mise en valeur est plus difficile, car il ne s’agit pas de sels facilement mobilisables. Il est nécessaire de déplacer le sodium échangeable et de le remplacer par du calcium. On a recours à des amendements calciques (gypse, chaux, phosphates, etc.), parfois apportés par les eaux d’irrigation. Lorsque le milieu est déjà calcaire, on utilise directement le soufre et même l’acide sulfurique, dilués dans les eaux d’irrigation.La dégradation saline ou alcaline secondaire des sols, provoquée par l’irrigation, constitue un risque qui va croissant sur la planète avec la forte augmentation des superficies irriguées destinées à couvrir les besoins des populations, en complément des cultures pluviales. Les méthodes de récupération sont toujours délicates et onéreuses; elles nécessitent plusieurs années de travail pour un résultat souvent précaire. Des solutions techniques existent pour chaque situation particulière qui nécessite un diagnostic précis et, par la suite, un suivi continu de son évolution. Il est essentiel, sur le plan économique, de procéder en outre à une étude préalable de rentabilité à long terme.
Encyclopédie Universelle. 2012.